Interview à lire également dans le JDD
Quel jugement portez-vous sur le projet de loi sur le séparatisme ?
Il marque une prise de conscience, nécessaire mais bien tardive. Je crains que la lutte contre le séparatisme islamiste se focalise sur les symptômes visibles, sans aller aux racines du mal. On n’éradiquera pas l’islamisme si on ne casse pas les ghettos urbains, son terreau. Ils favorisent l’entre-soi, le repli communautaire et l’endoctrinement. Devant ce séparatisme urbain, le gouvernement détourne la tête. L’amorce d’une réflexion sur la banlieue il y a deux ans, avec le plan Borloo, a été tuée dans l’œuf.
Comment casser ces ghettos ?
L’Etat doit enfin concrétiser le programme de rénovation urbaine à l’arrêt depuis cinq ans. Alors que la région avait budgété 250 millions d’euros pour cofinancer l’ANRU, elle en a dépensé 7 ! Mais, rénover les façades ne suffira pas. Il faut une stratégie de peuplement. Nous avons instauré dans la Région un plafond anti-ghetto : pas de subvention pour construire du logement social s’il y en a déjà plus de 30% dans un quartier. Car la vérité, c’est qu’on n’arrive pas à intégrer les habitants là où il y a 70 à 80% de logements sociaux. La promesse républicaine n’est plus tenue. Nous devons reconstruire ces quartiers, en permettant une vraie mixité sociale et que les classes moyennes s’y stabilisent et y reviennent. Nous devons porter un nouvel espoir. Mais depuis le cri de Jean-Louis Borloo, il ne s’est rien passé.
Pourquoi ?
Parce que c’est difficile. Ce n’est pas spectaculaire. Ce n’est pas la politique de la parole. Avant de détruire un quartier ghetto, il faut au préalable construire deux ou trois quartiers neufs pour reloger les habitants et attirer les classes moyennes. Cela demande du temps, de la volonté. Et il faut accompagner cela du déploiement de renforts d’agents publics (enseignants, policiers, soignants…) expérimentés et fidélisés : les nouveaux hussards de la République.
Comment ?
Le gouvernement a annoncé une prime de 10.000 euros pour les fonctionnaires après 5 ans passés en Seine-Saint-Denis. Généralisons-la à tous les quartiers prioritaires de la ville. Pour vaincre l’islamisme, l’école est clef. Face à la pénurie de vocations, nous avons besoin d’un plan d’urgence de recrutement d’enseignants. Dans une académie comme Créteil, il y a cinq demandes de mutation pour une d’affectation. Proposons à des socio-professionnels de devenir des professeurs engagés, dans le cadre d’une deuxième carrière.
Quelle est la situation dans les lycées d’Ile-de-France ?
Paradoxalement, ce n’est pas là où il y a les problèmes les plus aigus, qu’il y a le plus de signalements. Cela veut dire qu’il y a une omerta là où la situation est la plus grave. Une omerta de survie, à laquelle il faut mettre fin en protégeant davantage nos enseignants.
Vous avez instauré en 2017 une charte de la laïcité. Avec quels résultats ?
L’Ile-de-France a été la première région à élaborer une charte de la laïcité, qui impose une neutralité religieuse. Si une association refuse de la signer, elle n’a pas de subvention de la Région. Certaines ont refusé. Nous avons aussi créé un réseau de lanceurs d’alerte contre la radicalisation dans le sport, qui a transmis une trentaine de signalements en deux ans au ministère de l’Intérieur. Et nous avons imposé la réouverture des sections féminines dans tous les clubs sportifs.
En tant qu’élue, avez-vous été confrontée à l’islamisme ?
Bien sûr. Dans les lycées ou les transports, des personnels refusent de serrer la main de leurs collègues femmes ou d’obéir à leurs ordres. Ils sont écartés. Mais, il faut aller plus loin. Je propose de faire prêter un serment républicain à tous les agents publics au moment de leur recrutement. Nous avons aussi été saisis par exemple de faux certificats médicaux d’allergie au chlore, qui évitaient aux lycéennes d’aller à la piscine.
Nous ne cédons à aucune pression : le CCIF a lancé une action en justice contre nous parce que nous avons refusé d’autoriser les femmes à se baigner en burkini sur les bases de loisir régionales. Mon opposition de gauche n’a rien dit. Elle a voté 26 fois l’annulation de la charte de la laïcité, il y a dix jours encore. Une partie de la gauche n’a pas compris à quoi nous avions affaire : une idéologie, qui veut soumettre la France et prendre le pouvoir.
Certains maires n’apprécient pas que les préfets aient des pouvoirs accrus grâce au projet de loi sur le séparatisme…
Le préfet est chargé du contrôle de légalité, et le contrôle des valeurs de la République en fait partie. Il faut avoir conscience que des pressions s’exercent sur les élus.
Faut-il interdire l’école à la maison comme le prévoit le texte ?
En Ile-de-France, on estime à plusieurs dizaines de milliers les enfants, de tous âges, qui sont dans des écoles hors contrat soumises à une idéologie islamiste. C’est la fermeture de ces écoles qui est prioritaire.
Faites-vous, comme certains à droite, un lien entre terrorisme et immigration ?
Il faudrait être aveugle pour ne pas voir le lien : l’assassin de Samuel Paty était tchétchène. L’attentat de Nice a été commis par un Tunisien en situation irrégulière. Mais des jeunes français grandissent aussi dans la haine de leur pays. L’ennemi, c’est l’islamisme, lié à l’islam politique, cette idéologie qui lave le cerveau de Français et de migrants et les pousse à prendre les armes contre la France.
Faut-il fermer les frontières ?
Cela fait des années que je dis que n’arrivons pas à intégrer tous les migrants parce que les flux sont trop importants. Il faut donc stopper l’immigration subie et renvoyer chez eux les clandestins. Il faut aussi mettre fin aux abus de droit. Le droit d’asile est détourné de son objet, comme le statut de mineur étranger isolé.
Faut-il modifier la Constitution pour mieux lutter contre l’islamisme ?
La Constitution de 1958 a été conçue par le général de Gaulle en pleine guerre. Elle l’a été pour protéger la France, pas pour protéger nos ennemis. Je crois que l’interprétation qui en est faite aujourd’hui par le Conseil constitutionnel n’est pas conforme à son esprit. Je ne pense pas qu’elle interdise au Parlement de créer un délit de consultation régulière des sites djihadistes, ou des peines de rétention de sûreté pour les djihadistes sortant de prison.
C’est donc le Conseil constitutionnel qu’il faut changer ?
Je suis convaincue que notre Constitution permet de voter des lois efficaces contre l’islamisme. La jurisprudence du Conseil constitutionnel doit évoluer au regard de la gravité de la menace. Dans le cas contraire, nous n’aurons pas d’autre choix : il faudra modifier la constitution pour la prendre en compte.
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